Née à St-Denis de la Réunion le 15 juin 1848 – Morte à Clarens (Suisse) le 24 octobre 1909

juliette-dodu-maison

A la mort du Baron Félix Hippolyte Larrey, Juliette Dodu sa légataire universelle, hérite (entre autres) de terrains situés de part et d’autre de la route de Chevreuse (Rue du Petit Bièvres). Sur l’un, dit « Le Petit Bièvre » est situé le pavillon Marie Antoinette. Sur l’autre, en face, dit « La Pature aux Os » elle fera construire un confortable pavillon qu’elle habitera à partir de 1903. Le 5 juillet 1911, 2 ans après sa mort, le « Souvenir Français » apposera sur la clôture de la propriété baptisée « Villa Juliette », une plaque commémorative comportant un texte des plus « légendaire ».

La vie

juliette-dodu15 juin 1848 : Naissance à St Denis de La Réunion de Lucie Juliette Dodu. Son père, Lucien Dodu (d’un tempérament instable) officier de santé pour le Cher avait emmené sa famille à la Réunion, pour rejoindre le frère de Madame Dodu, Charles Desaifres, instituteur.

Lucien Dodu meurt le 5 août 1850. Sa veuve Augustine se remarie avec Louis Falte. De cette union naîtra le 14 mars 1852, à St Paul de la Réunion, une fille, Camille Antoinette Falte qui épousera le 1er mai 1880 le peintre Odilon Redon.
1855 : Juliette vient en France avec sa mère et son frère Charles-Emile. Installation à Paris où Juliette entre en pension.
1859 : Retour à la Réunion où Juliette et sa mère retrouvent Camille Faite.
1860 : Décès de Louis Faite. Rien ne retient plus Augustine et ses enfants dans l’île.
1862 : Juliette, Camille et leur mère reviennent en métropole et s’installent à Paris.
1863 : A Saints (Seine et Marne) Mme Dodu prend ses fonctions d’institutrice laïque. Juliette est utilisée comme sous-maîtresse, pour la 3e division. Elle a quinze ans.
1863 : Faremoutiers – Mêmes fonctions.
1865-1866 : Juliette et sa sœur sont admises en pension à Lisieux chez les sœurs de la Providence ; cours normal d’institutrice. A l’examen pour l’obtention du brevet de capacité, lors de la 2e session de 1867 à Caen, Juliette sera classée 10e sur 22 candidates.
1867 : Départ pour la Réunion où Juliette et sa mère souhaitent exercer comme institutrices. Arrivée en mars 1868. (Le voyage en bateau Cherbourg – La Réunion à cette époque durait de 3 à 4 mois). Malheureusement en juin 1868, décès de Charles Emile au domicile de la famille enfin réunie.
1868 : Juliette et sa mère quittent la Réunion où elles ont eu tant de malheurs. Camille reste là-bas.
1869 : C’est le retour en France. Les diplômes des deux femmes intéressants à la Réunion sont à peine suffisants pour exercer en France. Le caractère indépendant de Juliette, sa crainte de ne pouvoir supporter une hiérarchie lui font passer avec succès le concours de « Surnuméraire de l’administration des lignes télégraphiques ». Rappelons que le service du télégraphe est à cette époque entre les mains de l’autorité civile : le Ministre de l’intérieur qui l’utilise à des fins politiques de maintien de l’ordre et de communication rapide avec l’appareil préfectoral alors que le service de la Poste aux lettres, relève du ministère des finances (donc absolument séparé à tous points de vue du télégraphe).
1869 : Juliette débute à Sospel (Alpes Maritimes) et n’y restera que quelques mois.
1870 : Le 15 avril elle prend ses fonctions de directrice du bureau du télégraphe, à Pithiviers (Loiret). Elle est assistée d’un facteur surveillant de lignes. Sa mère (sans profession) habite avec elle.

Le 19 juillet 1870 la guerre est déclarée.
Sedan capitule le 2 septembre.
La 3e République est proclamée le 4 septembre et un gouvernement de défense nationale est constitué.

« Il existe sur cette guerre des dizaines de milliers de pages archivées. Dans toutes celles étudiées, plus particulièrement dans les cartons « armée de la Loire – diversion de Pithiviers », et dans tous les répertoires consultés, nous n’avons trouvé aucune trace ni éventualité de l’héroïsme et de ses suites.
Pithiviers a bien et dignement supporté les vagues de l’occupation prussienne en opérations actives.
Mlle Dodu, fonctionnaire a accompli le service qui lui fût imposé par les événements, ceci ne peut être contesté et à ce titre, ainsi que d’autres employés du télégraphe « opérant dans un territoire en état de siège ou assiégé, ou remplissant une mission de guerre furent considéré comme faisant partie de l’armée », elle a bénéficié d’une mention honorable.
Le décret n°1942 du 8 décembre 1870 accorde cette distinction à 20 autres personnes, dont une autre jeune femme Mlle Weick Marie-Antoinette Léontine, pour des faits relevés à Strasbourg, Gravelotte, St-Privat, Malesherbes, Voujancourt, Paris, Verdun, Pithiviers et Schlestadt. » Courrier du Loiret

1873 : Le 30 juillet. Juliette Dodu a déjà quitté Pithiviers et pris ses nouvelles fonctions au bureau de télégraphe d’Enghien les Bains (Seine et Oise).
1873 : Le 16 décembre, naissance à Levallois Perret, d’un enfant de « sexe masculin, chez Mme Debergne Rosalie sage-femme, 9 rue Vallier ». « Né de père et mère non-dénommés », l’enfant sera appelé Lucien D… A cette époque, la mère de Juliette loge 9, rue Vallier.
Sous le nom d’Augustine de Pellegrin, elle sera marraine de l’enfant.
1874 : Juliette prend la direction du bureau du télégraphe de Montreuil-sous-Bois. L’immeuble situé 12, rue du Pré, comprend le logement de la directrice où vivront les deux femmes et l’enfant. L’enfant appellera toujours Juliette « Tantante ». Juliette est déjà en relation avec le Baron F. H. Larrey.

« Le 30 avril 1877, à l’issue d’une opération purement administrative destinée à apurer le fichier des mentions honorables décernées à titre militaire en 1870 le ministre de la guerre attribue aux employés du télégraphe ayant fait l’objet du décret n°1942 du 8 décembre 1870, la médaille militaire ».

« L’année suivante, le 30 juillet, Juliette Dodu est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur sur la proposition du secrétaire d’Etat chargé des postes et télégraphes au ministère des finances, M. Louis Adolphe Cochery dont le secrétariat sera transformé en ministère le 5 février 1879. « Courrier du Loiret

1879 : La fusion des services des Postes et Télégraphes est en cours. Voulant à tous prix conserver son indépendance Juliette Dodu utilise ses relations. Parmi celles-ci, citons, outre, le Baron Larrey et Ferdinand de Lesseps, Joseph Villemereux (qui a été inspecteur général de l’enseignement primaire), Edmond Turquet (sous-secrétaire d’état aux Beaux Arts) et Ferdinand Buisson (inspecteur général de l’instruction publique et collaborateur de Jules Ferry). Elle fait acte de candidature à un emploi d’inspectrice des salles d’asile (maternelles). Unique candidate d’une session « extratempora », elle passe avec succès un certificat d’aptitude pour la direction des salles d’asile… Aussitôt attaquée par le journal La Défense, qui met en doute ses titres et son aptitude à l’emploi. A travers elle, c’est le ministre Jules Ferry qui est visé par cet article. Son intégration à l’instruction publique est différée. Elle passe (unique candidate) le brevet de capacité de 1er ordre à Bourges.
1880 : Juliette Dodu est nommée déléguée générale de 3e classe pour l’inspection des salles d’asile par arrêté du 7 janvier, au titre du ministère de l’instruction publique dirigé par Jules Ferry.
1885 : Le 1er janvier, l’emploi de Juliette Dodu est supprimé par suite de réduction d’effectif.
1885 : Le 6 avril, décès de sa mère, Augustine Desaifres. Elle est enterrée à Bièvres. Juliette Dodu sollicite alors la survivance à son profit du débit de tabacs qui avait été attribué en 1883 à sa mère. Rapport approuvé par Sadi Carnot, ministre des finances.
1891 : Juliette Dodu publie sous le pseudonyme de Lipp, un roman L’Eternel Roman, (dédié à la mémoire de Georges Sand) éditions Victor Havard.
1895 : 8 octobre, mort du Baron Larrey à Bièvres au cours d un séjour à sa « campagne ». Il laisse Juliette Dodu légataire universelle. Elle connait alors une certaine aisance. Elle fait construire à Bièvres un pavillon, en face de la villa Marie-Antoinette, rue du Petit Bièvre, elle y habitera à partir de 1903.
1909 : Au cours d’un séjour en Suisse, Juliette Dodu décède le 24 octobre dans un hôtel à Clarens. Elle est enterrée au cimetière du Père-Lachaise.

Les Légendes

Le 30 avril 1877, le ministre de la guerre attribue aux employés du télégraphe ayant fait l’objet du décret du 8 décembre 1870, la médaille militaire. Dans son numéro du 26 mai 1877, « Nouvelles Diverses », le Figaro consacre un long article à « L’Héroïne », qui sera à l’origine de la première légende. Légende très héroïque destinée, en cette année 1877 à sensibiliser et à émouvoir le lecteur patriote et donc « revanchard » du moment.

Courrier du Loiret

Une héroîne

« Vers la fin de novembre 1870, l’état-major prussien établi à Orléans passait au prince Frédéric-Charles à Pithiviers une dépêche lui indiquant la situation exacte d’un corps français en marche sur Gien et les manœuvres nécessaires pour envelopper cette troupe et la rejeter sur Orléans, où elle aurait dû mettre bas les armes.
« La directrice des télégraphes de Pithiviers était alors une jeune fille de vingt ans, Mlle Dodu. Il va sans dire que le premier soin des allemands avait été de mettre leurs employés et leurs appareils dans le bureau du télégraphe et de convertir en sinécure les fonctions de la directrice française. Mlle Dodu fut reléguée au premier étage dans sa chambre. Or, dans cette chambre, passait le fil de la station.
« Attacher au-dessus et au-dessous de l’isolateur un fil qui passait à travers les appareils de transmissions qu’elle avait emportés était une action aussi simple que périlleuse. On dérobait aux prussiens leurs confidences militaires et on risquait d’être fusillé. C’est ce que fit Mlle Dodu.

« La dépêche allemande dont nous venons de parler s’imprima donc au premier étage sur les bandes de l’appareil Morse, et, continuant son chemin, fut reçue au rez-de-chaussée par les télégraphistes allemands, qui s’étonnaient de la faiblesse du courant dont une partie était restée en roule.
 » Mlle Dodu porta immédiatement la dépêche au sous-préfet qui la fit traduire, en comprit l’importance et l’envoya en triple expédition au général français menacé. Les allemands faisaient bonne garde. Deux exprès furent tués. Le troisième arriva. C’était assez. Le corps français fut sauvé.
« Mlle Dodu fut mise à l’ordre du jour des postes et télégraphes, et reçut une mention honorable du Ministre de la guerre. Les prussiens apprirent son acte de courage, et ils allaient le lui faire expier lorsque survint l’armistice.
« A cette époque, le prince Frédéric-Charles vint lui rendre visite et, la félicitant de son héroïque dévouement, lui proposa un poste élevé dans l’administration télégraphique allemande.
« Mlle Dodu refusa, comme on pense. Les terribles émotions quelle avait traversées lui avaient occasionné une maladie bilieuse, et l’administration lui confia la station télégraphique d’Enghien. Par un décret récent, le Maréchal-Président vient de transformer en médaille militaire la mention honorable obtenue par Mlle Dodu.
Celle-ci sera bien étonnée sans doute d’apprendre que le Figaro qui n’est pas oublieux, est au courant de l’honneur si rare et si mérité qui lui est accordé et sait aussi qu’elle dirige à l’heure qu’il est le bureau de Montreuilles-Pêches.
Parce qu’elle a obtenu la médaille à ruban jaune qui orne la poitrine des sergents à trois chevrons, n’allez pas vous imaginer que Mlle Dodu ressemble à une vivandière de la grande armée.
C’est une grande et belle jeune femme de 27 ans dont les fraîches couleurs doivent inspirer de la jalousie aux fruits qui ont rendu célèbre le nom de sa station télégraphique. Elle vit avec sa mère veuve d’un chirurgien major des armées françaises, mort aux colonies. Elle a trouvé dans I’héritage paternel la tradition du dévouement.
Elle a obéi, voilà tout. »Jean de Paris

D’autres journaux : Le Petit Moniteur Universel, Le Moniteur de la Réunion, publieront d’autres textes accréditant cette légende.
Le 30 juillet 1878, Juliette Dodu est nommée Chevalier de la Légion d’Honneur. Cette nomination parue au Journal Officiel est commentée favorablement par la presse de province et de la Réunion.
A Paris la réaction est déjà différente ; sans chercher à s’informer sur les événements passés, les partisans et les détracteurs s’affrontent déjà. Toute cette affaire se calme rapidement. Juliette Dodu laisse aller..
En 1808, Juliette Dodu rédige un texte intitulé : Occupation allemande à Pithiviers 1870/1871.
C’est ce texte qui semble être à l’origine de la 2e légende diffusée en 1911, deux ans après sa mort.
La presse reprend certains paragraphes du manuscrit de 1908 pour étoffer l’article.
Pour redonner au texte publié, l’indispensable caractère héroïque dont le manuscrit est totalement dénué, l’action clandestine de la jeune télégraphiste est très enjolivée.

Source: Bièvres et ses célébrités au 19e siècle

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