Né à Cressin près Belley (Ain) le 6 novembre 1774 – Mort à Paris le 28 juin 1852

 Domaine des Roches, Bièvres (actuellement Roche-Dieu) Cliché Musée de la Photographie de Bièvres

Domaine des Roches, Bièvres (actuellement Roche-Dieu)
Cliché Musée de la Photographie de Bièvres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… »Le semestre d’été, tous émigraient à la charmante maison de campagne de Bièvres que Récamier avait acquise peu de temps après son mariage avec Mme de Villers. La délicieuse vallée de la Bièvre reste une des plus ignorées de la banlieue parisienne : elle est trop proche de Paris.
Ce n’était pas en ce temps-là une petite affaire d’aller de Bièvres à Paris, et le maître n’entendait sacrifier aucune de ses occupations professionnelles : les loisirs champêtres étaient pour ses enfants et ses invités, pas pour lui. En 1837, il fallait plus d’une heure et demie de voiture. Récamier se levait tous les matins à six heures, faisait la prière au pied de son lit, et travaillait à son bureau après un petit déjeuner, toujours le même : un œuf à la coque de ses poules, un bol de bouillon froid, une tartine de pain grillé. Il allait ensuite à Paris faire son service à l’Hôtel Dieu, rendait quelques visites, et rentrait déjeuner rue du Regard vers deux heures. Comme boisson, rien que de l’eau ; ni liqueur, ni même de café. Comme il revenait à Bièvres exactement pour sept heures, il lui fallait en trois heures donner ses nombreuses consultations et faire quelques visites.
Il profitait donc peu de cette charmante propriété située à un kilomètre de Bièvres, à flanc de coteau, coupée en deux par la route de Bièvres à Igny, dominant en partie la vallée. Un passage souterrain sous la route faisait communiquer les deux parties de la propriété. Une avenue, fermée par une grille, et plantée de marronniers donnait accès à une grande maison carrée très habitable par le nombre et la dimension des chambres, sans aucune humidité, surélevée qu’elle était par de vastes sous-sols. Elle était flanquée du côté opposé à l’avenue par une grande aile, sur laquelle se branchaient perpendiculairement les communs.
Cette charmante propriété, acquise pour 160.0UU francs à l’époque, est encore à peu près telle qu’elle était du temps de Récamier. Elle s’appelle maintenant la Roche-Dieu.
Une chapelle était annexée à la propriété, qui, par ailleurs, était encadrée d’un parc boisé et très accidenté d’un côté, et de l’autre d’un potager immense, au bas duquel se trouvait un étang romantique bordé de saules pleureurs.
Récamier, trop occupé ainsi que je l’ai dit, ne pouvait jouir pleinement de cet endroit délicieux ; en profitaient sa famille, de nombreux amis, surtout ecclésiastiques, et ses enfants. Ceux-ci, Victor de Villers, Etienne et Max Récamier y étaient encore mieux qu’à la rue du Regard. Ils ne retournaient plus à Stanislas pendant le trimestre d’été ; mais un précepteur les accompagnait et les faisait travailler. Le parc leur servait à jouer à la petite guerre ; l’étang et la Bièvre leur tenaient lieu de stade nautique. Max avait construit une périssoire avec laquelle il évoluait sur la Bièvre jusqu’à sa source… »

Texte composé à partir de citations empruntées aux ouvrages de Paul Triaire et de Louis Sauvé.

joseph_recamierIl commence ses études avec son oncle l’abbé Récamier, puis au collège de Belley. Il entreprend ses études médicales sous la direction de son oncle Anthelme, à Belley.
1793 : Requis pendant les guerres de la Révolution, il se trouve avec Bichat à l’hôpital de Bourg pendant un an, puis, tandis que Bichat gagne Paris, Récamier demande à être incorporé dans l’armée de mer et dès le début de l’été 1794 il arrive à Toulon, où le plus marquant de ses maîtres est Dominique Larrey qui enseigne l’anatomie et la chirurgie opératoire.
1796 : Hôtel-Dieu de Lyon.
1797 : Ecoles médicales de Paris où il est rapidement distingué par Corvisart et Pinel en médecine, Desault en chirurgie.
1802 : Médecin suppléant à l’Hôtel-Dieu.
1806 : Médecin en Chef de l’Hôtel-Dieu. Il y sera pendant quarante ans.
Premier mariage.
1820 : Membre titulaire de l’Académie de Médecine.
1821 : Professeur de clinique médicale à la Faculté.
1826 : Succède à Laennec au Collège de France.
1829 : Tente avec succès l’ablation d’un utérus cancéreux, opération dite « Opération de Récamier ».
1830 : Légitimiste, ne prête pas le serment rétabli par Louis-Philippe. Révoqué de ses charges, sauf pour l’Hôtel-Dieu. Veuf de sa première femme, perd la seconde peu de temps après son remariage. Pas d’enfants de ces deux lits.
1833 : Epouse Mme de Villers, née Titon, deux fils naîtront de ce mariage :
• Etienne, futur numismate et directeur du journal Le Français,
• Max, futur général.
Achète la propriété de Bièvres (Roche-Dieu).
1837 : Peut professer à l’Hôtel-Dieu des cours libres de clinique.
1848 : Nommé Maire de Bièvres, sur la proposition quasi unanime du Conseil municipal.
1852 : Meurt à Paris, est enterré au cimetière Montparnasse.

« …Récamier, avons-nous dit, est l’inventeur du spéculum. On lui doit encore ce bistouri à monture très simple qui, en s’ouvrant, change cet instrument en scalpel et permet de le nettoyer comme les lancettes. »

Entre autres publications de lui, nous citerons :
Recherches sur les kystes hydatiques du foie et de la rate ; Recherches sur l’opération de l’empyème purulent ; Mémoires sur les polypes utérins (Revue méd.) ; sur l’ablation de l’utérus cancéreux (Revue méd., 1829) ; sur les affections puerpérales (Revue méd., 1831) ; sur les contractions musculaires permanentes par cause locale et sur le succès du massage dans ce cas (Revue méd., 1838) ; sur la meilleure méthode du traitement du choléra (Revue méd., 1832) ; Traitement du cancer par la compression méthodique simple et combinée…

… »Comme homme, Récamier a fait taire l’envie et a été respecté de tous par la parfaite indépendance de son caractère, sa haute moralité, ses convictions religieuses, et par une charité qui le portait à donner tous les ans le dixième des grosses sommes qu’il gagnait…
… »Quant à son défaut d’exactitude, il prenait sa source dans le désir consciencieux d’apporter, en toute circonstance, l’énergie qu’il possédait et qu’il se sentait dans le cœur. Que le malade fut riche ou pauvre, cela ne l’occupait guère ; tous avaient un droit égal à son attention ; et il n’abandonna jamais un malade qu’il n’eut épuisé à son profit les trésors de son savoir et de son expérience… »

Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales
3e série, tome II – G. Masson – P. Asselin

C’était un grand vieillard, sec, de droite stature.
La faux du temps avait entaillé sa figure ;
Mais, bien plus que les ans, les pensers obstinés
Avaient marqué leur pli sur ses traits ravinés.
De ses cheveux blanchis les indociles mèches.
Au feutre à larges bords faisant partout des brèches,
Neigeaient sur les revers et sur le haut collet
D’un paletot tombant plus bas que le mollet.
Ses sourcils emmêlés, sorte de ronce grise,
Couvraient d’étranges yeux, comme aux hommes d’église
On en voit quelquefois, pour qui le temporel
N’a pas plus de secrets que le spirituel.
Et de fait, des sommets où le renom se fonde,
II regardait souvent au delà de ce monde.
Il était bienfaisant ; on le disait bourru,
Et même assez peu tendre au client accouru,
Quoique l’on ne citât, de ce que la richesse
Compte de favoris ainsi que la noblesse.
Pas un seul cabinet plus hanté que le sien.
C’était ce qu’on appelle un grand praticien.
Un jour il fut prié, par une lettre expresse.
D’aller dans un logis dont on donnait l’adresse,
Visiter au plus tôt Madame Bourrichon.
« Bourrichon ! se dit-il. Est-ce que c’est un nom ?
« Je n’ai jamais connu, certes, d’Adam ni d’Eve,
« Madame Bourrichon. D’ailleurs, si ne je rêve,
« Dans ce cul-de-sac – là sont des bouges affreux,
« Où le prix de mes soins est trop haut pour des gueux. »
La lettre, cependant, disait : « Je vous conjure ! »
Bref, il part et met pied devant une masure.
« Madame Bourrichon ? – Corridor du sixième !
– Du sixième, bon Dieu ? » Il monte tout de même.
Sur la porte laissée, une clef attestait
Qu’on entrait sans frapper ; il entre. Elle donnait.
D’un oeil inquisiteur il parcourt la mansarde
Et s’assied. Elle, au bruit se réveille, et, hagarde.
Rajustant son bonnet, expose au médecin
Que, d’un mal de poumon ne voyant pas la fin,
Elle s’adresse à lui, prince de la science ;
Qu’elle attent le salut de son expérience ;
Qu’elle a tort de l’avoir mandé dans un taudis,
Mais qu’elle l’a connu chez ses maîtres jadis.
Et que certainement madame la comtesse
Ne la blâmerait pas de cette hardiesse.
Il scrute la poitrine, interroge le son,
Et tous les bruits que fait la respiration.
L’examen terminé, la formule prescrite :
« Dix francs, sera-ce assez, Monsieur, pour la visite ?
Mais lui, se redressant et grossissant sa voix :
« – Non, je ne grimpe pas, Madame, jusqu’aux toits
A moins de trois louis ! » Puis, tirant de sa poche
Soixante francs en or, de la dame il s’approche,
Les glisse dans sa main, gagne le corridor.
Et, s’il n’était défunt, courrait, je crois, encor.

Poème de M Dechambre Directeur du Dictionnaire encyclopédique des Sciences Médicales, 5e série – Tome II – G. Masson – P. Asselin.

Recamier témoigna toute sa vie, le plus grand attachement à sa cousine (La célèbre Madame Recamier) qui disait couramment qu’elle lui devait la prolongation de sa jeunesse. Elle resta en effet jeune très longtemps.
Cependant, elle fut frappée un jour d’une cruelle épreuve : elle fut atteinte de la cataracte et vit ses derniers jours attristés par une cécité absolue et irrémédiable.

Recamier qui l’avait soignée toute sa vie avec un dévouement qui ne s’était jamais démenti, eut le chagrin de ne pas l’assister dans ses derniers moments. On sait, que peu de temps après la mort de Chateaubriand (4 juillet 1848), elle fut enlevée par une attaque de choléra. Il était malade lui-même à Bièvres, et se fit remplacer auprès d’elle par son ami Cruveilhier.

Dans une vie aussi bien remplie que celle de Recamier, la part du repos était bien légère. Ses vrais instants de délassements, il les prenait pendant la belle saison dans la paisible et charmante retraite qu’il possédait dans la pittoresque vallée de la Bièvre. C’est là qu’il recevait ses amis et où la noble femme qu’il avait épousée exerçait la plus gracieuse des hospitalités.

Il réunissait ou hébergeait chez lui nombre d’ecclésiastiques, les uns pauvres et malades, les autres notables. Sa maison de Bièvres était devenue un véritable préventorium du clergé. Parmi les ecclésiastiques de marque, amis de Recamier et ses correspondants se trouvaient les deux illustres orateurs qui occupèrent successivement la chaire de Notre-Dame : Lacordaire et le Père de Ravignan.

Si, d’une part, Recamier était l’hôte assidu du salon de Madame Swetchine, qui « se plongeait dans la métaphysique comme dans un bain », sa maison de la rue du Regard, et celle de Bièvres, surtout, constituaient un véritable centre catholique et intellectuel, le centre Recamier, différent du salon de Mme Swetchine où on traitait surtout des questions théoriques ; chez les Recamier, les questions de politique sociale et religieuse prenaient le pas. Mme Recamier y recevait toute l’élite des intellectuels catholiques ; des noms comme ceux de : Ampère, Cauchy, Lacordaire, Montalembert, Ozanam, Cruveilhier, Thiers, de Falloux, M. et Mme Lenormant honorent non seulement un parti, non seulement un pays, mais l’humanité tout entière dans ce qu’elle a de plus élevé.

L’action de ce centre catholique, de ce centre Recamier, était surtout orientée vers la pratique.

Au fur et à mesure du cours des années, cette influence du centre Recamier s’élargissait et s’accentuait.
Il était impossible avec des coéquipiers comme Lacordaire, Montalembert, de Falloux, que cette action ne tournât pas à l’action pratique, et c’est ce qui arriva.

On ne peut pas dire que Recamier ait fait vraiment de la politique active ; il fut toutefois Maire de Bièvres pendant d’assez longues années ; il était fort aimé de la population, bien que le voisinage de Paris amenât souvent des gens peu recommandables. Il profita de son influence sur le Conseil municipal pour faire aménager un nouveau presbytère, et ce ne fut pas sans difficulté.
Une plaque commémorative dans l’église de Bièvres rappelle ce souvenir. Cette plaque est située sur le mur à droite de la table de communion, et porte l’inscription suivante :

Au Docteur Joseph-Anthelme-Claude Recamier

Maire de Bièvres

et à son épouse

Jeanne-Adélaïde Titon

Texte composé à partir de citations empruntées aux ouvrages de Paul Triaire et de Louis Sauvé

Source : Bièvres et ses célébrités au 19e siècle

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